Droits en cas de Liquidation Judiciaire : Portabilité des Garanties

Portabilité des Droits en cas de Liquidation Judiciaire  : Arrêt du 15 février 2024

La dynamique entre les droits des salariés et les responsabilités des assureurs trouve un nouvel éclairage dans un arrêt récent de la Cour de cassation, datant du 15 février 2024. Emanant de sa deuxième chambre civile et inscrit sous le numéro 22-16.132, cette décision judiciaire est intervenue dans le cadre d'une affaire concernant les conditions de maintien du dispositif de portabilité des garanties collectives lors de situations de liquidations judiciaires.

Cet article vous présente les éléments constitutifs de cette affaire, mettant en lumière les implications juridiques et les conséquences sociales résultant de la décision rendue par la Cour de cassation.

 

Contexte

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a établi, le 15 février 2024, dans l'affaire numéro 22-16.132, des critères clairs régissant le maintien du dispositif de portabilité des garanties collectives en cas de résiliation de contrat due à une liquidation judiciaire.

Cet arrêt fait suite à une affaire concernant une société déclarée en liquidation judiciaire et dont les salariés ont été licenciés pour motif économique.

Voici un résumé des faits et des points clés de cette affaire :

- Le 2 avril 2019, une entreprise a été déclarée en liquidation judiciaire, entraînant le licenciement économique de ses employés, dont les derniers ont quitté l'entreprise en août 2019.

- L'assureur résilie le contrat de prévoyance le 24 octobre 2019, avec effet au 31 décembre 2019, privant ainsi les salariés licenciés du maintien de leurs garanties de frais de santé au titre de la portabilité des droits à partir du 1er janvier 2020.

- Le liquidateur a souscrit des contrats de frais de santé individuels pour les salariés concernés à compter du 1er janvier 2020, en assurant lui-même le financement.

- Par la suite, le liquidateur a porté l'affaire devant un tribunal de commerce, assignant l'assureur afin de garantir le maintien des garanties tel que prévu par l'article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale et d'obtenir le remboursement des sommes avancées pour les nouveaux contrats.

- En appel, l'assureur a été condamné à assurer le maintien des garanties collectives prévues par le contrat d'assurance collective complémentaire santé et à rembourser les sommes avancées par le liquidateur.

- L'assureur a formé un pourvoi en cassation, contestant que le maintien des garanties soit conditionné à l'existence continue du contrat d'assurance collective. La Cour de cassation a finalement confirmé que le maintien des garanties collectives est conditionné à l'existence du contrat d'assurance collective entre l'employeur et l'organisme assureur. Ainsi, la résiliation de ce contrat met un terme au maintien des garanties pour les anciens salariés, même si la résiliation intervient après les licenciements économiques.

 

Cadre légal et implications en cas de liquidation judiciaire

Le dispositif de portabilité instauré par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi offre aux salariés bénéficiant de garanties collectives la possibilité de maintenir gratuitement cette couverture en cas de cessation de leur contrat de travail, sous certaines conditions. Cette disposition légale, héritière de l'article 14 de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, a été étendue à toutes les entreprises par la loi du 14 juin 2013, sans distinction de branche d'activité.

Le maintien à titre gratuit ne concerne que l'ancien salarié, car l'assureur doit supporter les coûts associés à la couverture des risques pendant la période de portabilité. Dans le cadre d'une liquidation judiciaire, le liquidateur procède au licenciement des salariés pour motif économique, les rendant éligibles au mécanisme de la portabilité. Cependant, avec l'absence de salariés actifs dans l'entreprise pour le financer, l'assureur se trouve dans une situation où il doit,

  • soit assumer la couverture de la portabilité sans financement de l'entreprise,
  • soit trouver un moyen de se soustraire à cette obligation.

En conséquence, la deuxième chambre civile a introduit une nouvelle condition pour permettre la mise en œuvre du dispositif de portabilité :

  • l'entreprise doit disposer d'un contrat d'assurance collective.

Par cette décision, la deuxième chambre civile confirme l'avis de la Cour de cassation du 6 novembre 2017, numéro 17-70.013, ainsi que l'arrêt rendu par la deuxième chambre sociale le 5 novembre 2020, numéro 19-17.164, en précisant que :

"Ces dispositions d'ordre public sont applicables aux anciens salariés licenciés d'un employeur placé en liquidation judiciaire qui remplissent les conditions fixées par l'article L.911-8 du Code de la Sécurité Sociale"

"Toutefois, le maintien des droits considérés implique que le contrat ou l'adhésion liant l'employeur à l'organisme assureur ne soit pas résilié".

 

Résiliation des contrats en cours

Conformément à l'article L.641-11-1 du Code de commerce, si le liquidateur demande le maintien des contrats en cours, l'assureur a l'interdiction de les résilier uniquement en raison de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Toutefois, la résiliation n'est pas expressément interdite par la loi ; il s'agit d'une disposition d'ordre public, ce qui signifie que l'assureur est autorisé à résilier les contrats à l'échéance annuelle, conformément aux dispositions de l'article L.113-12 du Code des assurances.

 

Quel impact sur les anciens salariés, bénéficiaires du dispositif de portabilité ?

L'arrêt rendu le 15 février 2024 a une incidence sociale directe car si l'assureur est autorisé à résilier à la date d'échéance annuelle, cela implique l'interruption du dispositif de portabilité. Les anciens salariés concernés risquent donc de voir leurs droits prendre fin avant la fin de la période de maintien maximale de 12 mois prévue par le Code de la Sécurité Sociale et devront donc trouver une solution individuelle.

Par ailleurs, d'autres décisions judiciaires impactent déjà le dispositif de portabilité.

Comme mentionné dans notre article du 27 février 2024 intitulé "Abandon de Poste et Portabilité Mutuelle : Nouvelle règle applicable", depuis le 19/04/2023 et la publication du décret n° 2023-275, l'abandon de poste est assimilé à une démission présumée. Ce motif ne bénéficiant pas de la reconnaissance de l'assurance chômage, il prive le salarié de la portabilité et le contraint à souscrire individuellement une nouvelle couverture santé et prévoyance.

 

En savoir plus,

Pour les entreprises et anciens salariés confrontés à de telles situations, nos équipes se tiennent à votre disposition pour vous accompagner dans la compréhension et la mise en œuvre des mesures nécessaires.

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